Mirada et Cabeceo, l'invitation en Tango Argentin
Nous savons tous pour l’avoir vécu à Montevideo ou Buenos Aires, ou parce qu’on nous en a parlé, que l’invitation à partager la prochaine tanda, pendant les « cortinas » passe par :
- la mirada (le regard) ou femmes et hommes se cherchent, se rencontrent ou s’évitent par le regard,
- suivi du cabeceo (petit mouvement discret de la tête) pour invitation par l’homme et confirmation par la femme de leur intention de danser ensemble.
L’homme s’approche alors de là ou se tient la femme et ils entrent avec précaution sur la piste.
Je pense que c’est là une pratique remarquable pour de nombreuses raisons :
- elle s’inscrit résolument dans la démarche de séduction qui caractérise le Tango Argentin,
- elle donne aux femmes et aux hommes le pouvoir de choisir avec qui elles ou ils aimeraient danser, car chacun peut éviter le regard qui cherche le sien,
- elle évite aux femmes de devoir refuser l’invitation d’un homme qui viendrait jusqu’à leur table et avec qui elles n’ont pas l’intention de danser,
- elle évite aux hommes l’affront de se voir refuser leur proposition de danse,
…… au global elle met la femme et l’homme sur un pied d’égalité.
La pleine réussite de cet usage nécessite plusieurs conditions, malheureusement peu souvent réunies en dehors du Rio de la Plata :
- la connaissance de la pratique et de son intérêt,
- une organisation physique de la milonga, l’idéal étant des tables tout autour de la piste, puis un « couloir de circulation » permettant aux danseurs de circuler facilement sous des prétextes divers (rejoindre leur table, aller au bar, saluer des amis, toilettes …) créant ainsi les conditions favorables à la mirada. Puis une autre ligne de table …
- réticence, voire peur des hommes et des femmes à la pratiquer
Donc, faute de pratiquer « mirada/cabeceo » que se passe t il ? La plupart du temps l’homme s’approche de la femme, voulez vous danser ?, réponse généralement oui, même si elle en aurait préféré un autre …. Elle ne choisit pas, elle subit.
Par contre quelques tangueras peu informées, inquiètes peut-être de ne pas être invitées autant qu’elles le souhaiteraient, vont directement chercher les hommes avec un « fait moi danser » ou « tu n’as pas encore fait danser ce soir » … parfois autoritaire.. Cette pratique discourtoise (sauf si pratiquée entre véritables ami(e)s) amène très rapidement une tension dans la Milonga, car les femmes plus discrètes et qui jouent le jeu, se voient « confisquer » les danseurs.
Je comprends bien que notre éducation européenne ne nous pousse pas à appliquer la Mirada, soit par réserve, soit pas timidité, soit pour toute autre raison parfaitement respectable. Mais le Tango Argentin a ses propres usages et règles lesquels, au delà du plaisir réciproque de la séduction, ont le mérite de la franchise « tel homme/femme m’intéresse, tel autre ne m’intéresse pas ».
De plus, selon moi, rares sont les hommes capables de résister longtemps au regard d’une femme, qui le regarde avec intérêt même si elle n’a plus 20 ans, ni une silhouette de magazine, ni 20 ans d’expérience en tango.
Alors Amis tangueros, Amies tangueras, osez pratiquer, autant que faire se peut, la mirada et le cabeceo garants du subtil équilibre et du plaisir de la séduction respectueuse du Tango Argentin. La milonga ne s’en portera que mieux
Amitiés, Robert